dimanche 10 mai 2015

I'm really the boss now, just call me Perdir....

A force de vouloir absolument devenir calife à la place du calife, j'ai fini par y arriver. Oh, pas vraiment là où ça m'aurait vraiment fait plaisir, j'aime bien, moi les charmants petits nenfants d'avant les poils qui poussent, mais enfin, m'imaginer encore dans 10 ans arpenter sans cesse les escaliers avec mon tournevis pour réparer la porte/la photocopieuse/le portail/les âmes/les doigts coincés dans la porte des toilettes/l'application qui bugge (barrer les mentions inutiles, en fait non, ce n'est pas la peine...), en ayant en permanence un tas d'épées de Damoclès au-dessus de ma pauvre tête, des injonctions hiérarchiques, une fermeture de classe, moins de temps pour le taf, tout en ayant encore des élèves... non, vraiment non.
Alors, fin juin de l'année dernière, après une énième réunion de directeurs où on nous a, à nouveau, expliqué notre polyvalence (au cas où nous l'aurions oubliée), les bienfaits des énièmes nouvelles réformes (on nous avait déjà dit que, les réformes d'avant, c'était vachement bien, tellement bien qu'on les a remplacées par d'autres, vachement bien aussi, même si il s'agit de faire l'inverse de ce qui était demandé auparavant) et une envolée presque lyrique à propos de notre merveilleuse Education Nationale (tendance Bisounours), j'ai décidé de changer de crèmerie, à mes risques et périls, d'autant que, au passage, on nous a dit que, pour aider les élèves en difficulté et pour venir à bout des petits monstres atteints de TOC, TED et autre TOP (mon préféré : troubles obsessionnels de persécution, autrement dit, des nenfants qui ne supportent pas qu'on leur dise ce qu'ils doivent faire...), et bien il fallait trouver des solutions pédagogiques, et uniquement pédagogiques. J'ai dû oublier que, lors de ma formidable formation initiale, j'ai été formée aux métiers de psychologue, médecin, brancardier, adjudant-chef.
Là, c'en était vraiment trop, alors, un soir d'été, j'ai décidé de changer de braquet et de passer de l'autre côté de la barrière, mettre un peu la pagaille chez celles et ceux à qui on demande de mener la barque. Mais la seule façon de rester au contact de mes ouailles et d'avoir un gestionnaire, un comptable, une secrétaire, des surveillants, une infirmière, un psychologue, une assistante sociale, un factotum, et tout ça à demeure, sans avoir de pauvres élèves qui attendent que je sois revenue de ma énième gestion de conflit, la seule façon donc, c'était d'aller chez les plus grands, dans le secondaire, pour devenir.... perdir...... Un nouvel acronyme (j'en aurai appris plein, cette année, dont celui-là !). Personnel de direction, autrement dit, chef d'établissement, principale ou proviseure (oui, on met un E).
10 mois, des lectures à n'en plus finir, un écrit et un oral plus tard, c'est fait. Je vais donc quitter l'enseignement primaire pour aller m'aventurer dans le secondaire en tant que.... perdir.....
A moi les joies des emplois du temps qui, de toutes manières, ne plairont à personne, le bonheur de devoir annoncer que, non, avec une moyenne de 32 élèves par classe, on ne pourra pas espérer la création d'une nouvelle classe (et ce sera forcément de ma faute), le plaisir de dire aux parents "non, la prof de maths, absente depuis 1 mois, n'est toujours pas remplacée" (et là aussi, ce sera de ma faute, j'ai qu'à y aller, moi en classe, hein !).... Plus d'horaires imposés, les 35 heures déjà faites le jeudi matin (remarquez, c'est parfois déjà le cas, ça ne me changera pas trop) et la perspective d'être un tantinet éloignée de mon logis pendant quelques temps.
Bref : je ne fais aucune illusion, je ne change pas de boulot pour mieux, mais pour autre chose, avec un tas de défis à relever et ça, ça plait à votre Polythene Pam préférée !!!
Ma (encore) chef adorée a déjà changé de ton avec moi, elle me parle comme si j'étais un être normal, et non plus un sous-fifre qui ne comprend pas tout (c'est normal, je fais - encore - partie des gueux). Je me retiens encore d'exploser de rire, il faudra que je la remercie vivement, elle aura été ma première motivation, puis mon premier soutien (trop contente de se débarrasser de moi).

Je compte bien poursuivre ma carrière de poil-à-gratter professionnel, soyez-en sûrs...... Le loup est dans la bergerie, tremblez !
Ben oui quoi, ce n'est pas parce que l'on devient chef que l'on doit forcément obéir à des circulaires sans réfléchir, appliquer sans expliquer, écouter sans contredire, imposer sans argumenter.

Quant à ma liberté de parole, je saurai en faire bon usage, dans le cadre de mes nouvelles fonctions, en restant dans les clous, comme je l'ai toujours fait.

Vous en doutiez ?