samedi 15 décembre 2012

Armaggedon

Oui, les Mayas ont raison : la fin du monde est proche. Bon, là où on peut douter, c'est au sujet de la date (même si on y a le choix, merveilleuse contrepèterie...), faut quand même pas pousser Mémé et l'eau du bain avec les orties, à moins que ce ne soit l'inverse. Pam vous prévient tous, ce billet sera des plus déprimants....il faut se préparer au pire qui arrive à grands pas si rien ne change bientôt.



Car nous voyons débouler dans nos écoles, de plus en plus d'enfants victimes de ce que Claude Halmos appelle carrément "maltraitances éducatives", des enfants peu éduqués, sans réel cadre, et ceci devient tellement grave que cela apporte son lot de dommages collatéraux, vocabulaire pauvre, pensée réduite à portion congrue, donc violence verbale et physique. Dans le meilleur des cas, on arrive à communiquer avec les parents, on essaie de trouver des solutions, des aménagements. Mais hélas, souvent, il est bien difficile de rencontrer les parents pour qui l'Ecole, c'est parfois le souvenir d'un sale moment passé quand ils étaient gosses eux-mêmes. Comment alors, instruire ? Comment alors, enseigner les joies mathématiques ou les bonheurs de la langue française consignés dans un carcan de règles à respecter si les enfants n'ont pas de cadre, pas de règles de vie ? 


Mais le plus inquiétant, c'est tout de même cet appauvrissement croissant du langage. Quand j'officiais encore en maternelle, au temps des cavernes, je me souviens de ces enfants de 4 ou 5 ans qui ne parlaient pas mais grognaient, ces enfants sans langage structuré, qui fouillaient dans les poubelles pour manger les miettes ou qui essayaient d'attraper le poisson rouge du bocal pour le béqueter.... Bon, c'est une image horrifiante qui n'est pas légion, certes, mais ces gamins à qui on n'a pas appris le langage, que l'on a collé dès le plus jeune âge devant la télé et qui, plus tard, à 8 ou 10 ans, ont tous un compte Fesse Bouc mais sont incapables de trouver le point sur un clavier d'ordinateur, et bien pour ces gamins-là, on pourra toujours réformer, refonder, changer ceci ou cela, transformer les contenus, les alléger, cela sera peine perdue : à partir du moment où les structurations mentales n'ont pas été mises en place et en présence d'un désert éducatif, ces gosses-là risquent fort d'entrer dans la spirale infernale de l'inadaptation sociale. Alors, me direz-vous, il y a les ITEP et autres ULIS pour ça. Sauf que, avec la formidable loi sur le handicap de 2005, les établissements spécialisés accueillent de plus en plus de fous furieux, puisqu'on nous demande à nous, d'intégrer, à coup d'AVS sous-payés, pas formés, et de de dossier MDPH (ex COTOREP) bancals, tous les enfants de la Terre ou presque.

Le problème, ce n'est pas l'Ecole en elle-même, mais toute la société. L'Ecole est à l'image de ce qui se passe à l'extérieur de ce qui devrait être un sanctuaire mais ne l'est plus, à force d'avoir tapé sur elle, de l'avoir rendue responsable de tous les maux de l'univers, à force d'avoir dénigré les enseignants, de continuer à les mépriser (tiens, ça fait longtemps qu'il n'y a pas eu de fait divers genre "un parent casse la gueule au prof parce qu'il avait grondé la chair de sa chair")
Tout ça pour dire que, instruire bien sûr, mais l'éducation bon sang, l'éducation.... Mais comment faire si à l'extérieur de l'Ecole, c'est la jungle ? Comment enseigner à des gamins sans imagination, sans mémorisation suffisante, sans structuration mentale suffisante, sans règles, sans éducation suffisante ????? Et je ne parle même pas des enfants vivant dans des familles problématiques, à risque (réfugiés politiques, économiques, familles monoparentales, sans boulot), ceux-là, même s'ils sont éduqués sont parfois tellement parasités par leurs problèmes qu'apprendre est compliqué. 
Alors ? Alors.... Oui, en Finlande on a bien compris comment faire, mais  ils sont 13 fois moins nombreux, et surtout, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, ils ont fait table rase de beaucoup de choses, ils ont, non pas reconstruit leur pays après des décennies d'occupation étrangère, mais construit un autre pays, en se basant sur les erreurs du passé....  
On pourra toujours replâtrer  réformer, c'est toute la société qui est malade : et je finirai en évoquant une très belle discussion que j'avais eue il y a quelques temps, avec des potes, dans un coin perdu des Pyrénées, où il était question de ce quelque chose qui disparaît  et c'est ça le fond du problème : c'est la perte de la transmission et la disparition progressive de la mémoire collective. 


Alors, devant ce constat désolant, on ne peut que se dire que, oui la fin de notre monde est proche, l'humanité, déjà mise à mal par toutes les horreurs dont sont remplies les livres d'histoire, massacres, génocides, arbitraire, humiliation, l'humanité donc, est de moins en moins prête à mener ses propres enfants vers le futur, cette humanité ni ne forme ni ne transmet, ni ne donne d'avenir à son avenir.

J'ai du coup décidé de m'adapter à ce monde qui s'effondre en n'enseignant plus que le présent de l'indicatif et la phrase simple sujet verbe complément, à quoi bon les quelconques précisions, adverbes, compléments circonstanciels puisque demain ne sera plus, sans visage, sans espoir autre que celui de posséder un Ipad ou le dernier Iphone. Mais pour cela, certains sont prêts à tout, même à vendre un rein sur internet.... La Raison, celle pour laquelle les philosophes se sont battus, n'est plus qu'un vague concept ringard.

Le changement, c'était maintenant. Ils ont fait l'école du rire, les gens qui ont pondu ça.

Heureusement, il me reste mon satané optimisme, le Margaux, l'humour et l'esprit critique.

Promis, la prochaine fois, sous les gravats de l'Apocalypse, je pondrai un billet plus rigolo, même si c'est à coups de signaux de fumée.

Restez en vie malgré tout, car il n'y a pas que le massacre des innocents, le danger est partout....